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Étude du projet de loi économie circulaire par la commission développement durable du Sénat

Environnement & qualité - Environnement
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16/09/2019
La Commission d’aménagement du territoire et du développement durable rendra les conclusions de son examen du projet de loi pour l’économie circulaire le 18 septembre. Source de vifs débats depuis plusieurs semaines, le projet sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 24 septembre. Retour sur quelques dispositions et réactions phares…
 
L’information du consommateur, acteur clé de l’économie circulaire
 
Le projet dans son état actuel se décline en 3 parties principales.
La première (Article 1 à 4) est consacrée à l’information du consommateur sur les produits qu’il achète. Cette partie revient, entre autre, sur la communication des règles de tri. Pour rappel les erreurs de tri coûtent environ 40 millions d’euros par an aux collectivités territoriales et cela uniquement pour la filière « emballage » (rapport annuel de la Cour des Comptes, 2016). Le gouvernement souhaite un étiquetage unique pour les produits soumis à la responsabilité élargie du producteur. Le projet de loi propose donc que le logo « Triman », déjà utilisé pour certains produits, le soit pour tous, y compris les non recyclables. Devraient figurer à ses côtés des consignes de tri spécifiques à chaque produit (article 3).
A noter par ailleurs, l’apparition d’un « indice de réparabilité » des équipements électriques et électroniques et d’une obligation d'indications sur la disponibilité des pièces détachées pour ces mêmes équipements mais aussi pour les meubles. Non-inscrit dans le projet à l’heure actuelle, la question d’un « malus environnemental » se pose également pour le suremballage.
La seconde partie du projet de loi (articles 7 à 11) se focalise sur la lutte contre le gaspillage et dispose de deux mesures phares : l’interdiction de la destruction des produits invendus non-alimentaires et la mise en place d’un diagnostic déchets pour les chantiers. La première disposition fait écho à la Loi Garot (L. n° 2016-138 11 fév. 2016, JO 12 fév.) sur les produits alimentaires et est centrée autour de «3R » : réemploi, réutilisation et recyclage. La seconde devrait permettre de déterminer quels sont les déchets valorisables ou réutilisables sur d’autres chantiers.

Des filières REP davantage réglementées

La troisième partie porte sur les filières concernées par la responsabilité élargie du producteur (REP). Selon la Secrétaire d’État à la transition écologique Brune Poirson, c’est le chapitre central du projet de loi.
Parmi les nouvelles mesures, il est notamment prévu la mise en place de taux minimum d’incorporation de matières recyclées, qui pourraient même mettre en péril la mise sur le marché de produits ne les respectant pas.

Il y a aussi l’élargissement du dispositif REP non plus à la seule gestion des déchets mais également à leur prévention. Concrètement, les mesures d’éco-conception et le soutien aux réseaux de réemploi feraient désormais explicitement parties des principes généraux de la REP. Il y aurait ainsi une modulation de l’éco-contribution selon le niveau d’éco-conception du produit. Cette contribution pourrait ainsi prendre la forme soit d’une prime accordée par l’éco-organisme au producteur soit d’une pénalité pouvant aller jusqu’à 20% du prix de vente HT du produit.
Le projet propose aussi la création de nouvelles filières REP, notamment pour le bâtiment, les mégots de cigarettes, les jouets et les articles de bricolage et de jardinage (déjà en partie liés à la REP D3E).
L’obligation de reprise des appareils usagés serait étendue aux enseignes de ventes à distance, et les entreprises utilisant des interfaces électroniques seraient dans l'obligation « de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets », au même titre que celles disposant d’une « surface ».

Autre disposition résultant sans nul doute de l’affaire Eco-DDS (voir notre actualité du 23 janvier), le projet de loi prévoit que le ministre chargé de l’environnement pourra en cas de défaillance d’un éco-organisme, en désigner un autre agréé agissant sur une autre filière afin de prendre à sa charge les coûts supportés par le service public de gestion de ces déchets, en disposant des fonds du dispositif financier prévus à cet effet (article 8 du projet).
 
Divisions autour du système de consigne et autres réactions

Le rapport d’information de Pierre Médevielle, rapporteur pour le compte de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat relève que bien que très utile pour atteindre les objectifs de collecte fixés au niveau européen, « des objections à l'égard de la consignation de ces bouteilles, en raison du déséquilibre qu'elle introduirait dans la composition des déchets ménagers » ont été formulées par les collectivités territoriales. En effet, ces « objections » (en gras dans le texte) sont notamment liées aux investissements réalisés dans des centres de traitement et de recyclage qui pourraient devenir quasiment inutilisés. Les consignes prendraient ainsi les emballages les plus valorisables et laisseraient les autres à la charge des collectivités.
Lors de l’audition de Brune Poirson par cette même commission développement durable, le 10 septembre, le président de la commission M. Hervé Maurey a regretté l’absence d’éléments chiffrés sur l’impact de la mise en place de cette mesure, (hormis le document fourni par le collectif d’industriels « boissons »). A noter cependant, la parution d’un pré-rapport réalisé par M. Jacques Vernier le 12 septembre qui s’est voulu rassurant sur les questions financières de cette disposition. Selon lui, les coûts financiers pour les collectivités territoriales s’élèveraient à 12M d’euros soit « 1% des ressources globales que leur procurent actuellement les soutiens de CITEO et les ventes de matériaux ». Il ajoute que « cette somme pourrait être aisément compensée » par l’augmentation des soutiens aux matières restant dans la poubelle jaune.
Quoi qu’il en soit, M. Maurey a rappelé que la création de consignes « reste encore en discussion », car un comité de pilotage est toujours en place afin de définir les conditions concrètes de ce système, point que la Secrétaire d'État a confirmé.
Du point de vue des acteurs non étatiques, l'UFC-Que choisir relève que le projet de loi dans sa globalité comporte des mesures positives, mais l’association souligne la nécessité de bien afficher l’indice de réparabilité. Les amis de la Terre eux-aussi reconnaissent des avancées positives, mais regrettent qu’il y ait un usage trop prononcé du conditionnel, et que de ce fait, le projet de loi ne soit « pas à la hauteur de l’urgence climatique ».

Les débats au Sénat commenceront en séance publique le 24 septembre.
Source : Actualités du droit