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Flamanville 3 : les recours des associations à la peine

Environnement & qualité - Environnement
25/02/2023
Plusieurs associations de protection de l’environnement ont attaqué devant le Conseil d’État un décret du 29 juin 2021 et un arrêté ministériel du 30 août 2021 contribuant l’un et l’autre au lancement de la centrale Flamanville 3. En vain concernant le décret. Renvoyées devant le TA de Caen quant à l'arrêté.
Les requérants avaient demandé au Conseil d’annuler pour excès de pouvoir :
  • le décret n° 2021-851 du 29 juin 2021 portant dérogation à l'article R. 151-20 du Code de l'urbanisme (CE, 17 févr. 2023, n° 456157) ; et
  • l'arrêté du 30 août 2021, NOR : TRER2126499A, par lequel la ministre de la transition écologique a autorisé EDF à exploiter au titre de l'article L. 311-5 du Code de l'énergie une installation de production d'électricité sur le territoire de la commune de Flamanville (CE, 17 févr. 2023, n° 458114).
 
Recours pour excès de pouvoir dirigé contre de décret

Ce décret du 29 juin 2021 portant dérogation à l'article R. 151-20 du Code de l'urbanisme devait-il faire l’objet d’une évaluation environnementale ou encore être soumis à la participation du public ? Telles étaient les principales questions auxquelles le Conseil d’État a dû répondre.
 
Évaluation environnementale
L'article R. 151-20 du Code de l'urbanisme est relatif aux zones à urbaniser (AU). Il définit les conditions dans lesquelles les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation peuvent être classés en zone à urbaniser.
Le décret n° 2021-851 du 29 juin 2021 crée un article R. 151-20-1, qui dispose que : « Par dérogation à l'article R. 151-20, dans le périmètre d'une opération d'intérêt national destinée à accueillir une installation nucléaire de base telle que définie à l'article L. 593-2 du code de l'environnement, les dispositions qui subordonnent l'ouverture à l'urbanisation des zones "AU" à l'existence dans leur périphérie immédiate de voies et réseaux suffisants ne s'appliquent pas aux constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à la mise en œuvre de cette installation. »
Les requérants soutiennent que cette dérogation aurait dû faire l’objet d’une évaluation environnementale.
Après avoir rappelé ce qu’est une installation nucléaire de base aux termes de l'article L. 593-2 du Code de l'environnement et ce que recouvre une opération d’intérêt national en application de l’article R. 102-3 du Code de l'urbanisme, le Conseil d’État retient que « Les dispositions litigieuses du décret attaqué, qui modifient ponctuellement le régime de l'urbanisation des zones destinées à accueillir (…) une installation nucléaire de base définie à l'article L. 593-2 du code de l'environnement dans le périmètre d'une opération d'intérêt national destinée à accueillir une telle installation, ne sont pas au nombre des plans, schémas, programmes et autres documents de planification devant systématiquement ou à la suite d'un examen au cas par cas faire l'objet d'une évaluation environnementale.
 
Participation du public
Les requérants estimaient par ailleurs que le décret litigieux aurait dû donner lieu à une consultation du public.
Aux termes de l'article L. 123-19-1 du Code de l'environnement qui définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public est applicable aux décisions des autorités publiques, autres qu’individuelles, ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration, «  (…) Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ».
La haute juridiction, considère que le décret attaqué, qui n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser les travaux et opérations susceptibles d'être réalisés dans le périmètre qu'il mentionne « n'est pas, par lui-même, susceptible d'avoir une incidence directe et significative sur l'environnement » et ne devait pas être soumis à participation du public.
 Le Conseil d’État écarte enfin les moyens relatifs au principe constitutionnel selon lequel les collectivités territoriales « s'administrent librement » dans les conditions définies par la loi et les moyens invoquant le détournement de procédure et de pouvoir.
 La requête de l'association Réseau sortir du nucléaire est rejetée.
 
Recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté ministériel
Se posait la question de la compétence du Conseil d’État pour statuer sur un tel acte administratif. Aux termes de l'article R. 311-1 du Code de justice administrative, la haute juridiction est notamment compétente pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres.
Le Conseil note que l'autorisation administrative accordée, en l’occurrence par le ministre chargé de l'énergie, a pour objet d'autoriser l'exploitation d'une installation de production d'électricité et désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation. Cette décision ne présente donc pas de caractère réglementaire et n'est ainsi pas au nombre des décisions mentionnées par l'article R. 311-1 précité. Le litige relève de la compétence du tribunal administratif du territoire dans lequel se trouve la centrale dite EPR de Flamanville 3, à savoir le tribunal administratif de Caen.
 
 
 
Source : Actualités du droit