Retour aux articles

Nitrites dans la charcuterie : Yuka gagne un second procès en appel

Environnement & qualité - Qualité
24/04/2023
Ce jeudi 13 avril 2023, la Cour d’appel de Limoges a rendu son arrêt concernant le litige opposant la société Yuca, propriétaire de l’application Yuka, à un fabricant de charcuteries. La Cour déboute le fabricant de charcuteries de l’intégralité de ses demandes et le condamne à verser 20 000 € au titre des dommages-intérêts à la société Yuca. Pour la seconde fois, les juges reconnaissent le droit d’informer et d’alerter les consommateurs sur les risques des additifs nitrés sur la santé humaine.
Le producteur de charcuteries avait assigné la société Yuca devant le tribunal de commerce de Brive. Il estimait que Yuca avait exercé des actes de pratique commerciale trompeuse et déloyale, ainsi que des actes de dénigrement et d’appel au boycott. Le fabricant de charcuteries souhaitait faire condamner Yuca au versement de dommages-intérêts et obtenir la suppression de certaines publications à son encontre.
 
Par un jugement en date du 24 septembre 2021 (T. com. Brive, 24 sept. 2021, n° 2021F36), le tribunal de première instance a jugé que la société Yuca avait exercé une pratique commerciale trompeuse et déloyale et qu’elle avait, par ailleurs, commis des actes de dénigrement, envers l'industriel, dans la diffusion d’informations sur les additifs nitrés. Le tribunal de commerce avait alors condamné la société Yuca au versement d’une somme de 20 000 € au titre des dommages-intérêts et à supprimer la mention « risque élevé » attribuée aux additifs E250 et E252, ainsi que toute mention relative au risque de cancer lié à l’usage de nitrites dans la charcuterie. La société Yuca a interjeté appel de ce jugement.
 
Par un arrêt en date du 13 avril 2023, les juges de la Cour d’appel de Limoges ont infirmé le jugement de première instance en toutes ses dispositions. Cette décision vient confirmer le précédent jugement qui avait été rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 8 décembre 2022 (CA Aix-en-Provence, 3-1, 8 déc. 2022, n° 21/14555), et dans lequel les faits reprochés à la société Yuca par une entreprise de charcuteries étaient sensiblement les mêmes que ceux de l’espèce.
 
Sur les questions relatives à la pratique commerciale trompeuse et à la pratique commerciale déloyale, il est précisé que les données sur lesquelles s’est fondée Yuca pour démontrer les risques induits par la consommation de produits nitrés sont en réalité des « données d’ordre scientifique, suffisamment nombreuses, sérieuses et concordantes, émanant d’autorités reconnues, qui reconnaissent la dangerosité des charcuteries industrielles pour la santé humaine, dès lors qu’elles contiennent des nitrites ». La Cour d’appel évoque, notamment, un rapport de l’Anses du 12 juillet 2022 dans lequel l’Agence confirme l’existence d’un lien entre additifs nitrés et cancer colorectal. Ainsi, les chefs de pratique commerciale trompeuse et de pratique commerciale déloyale ne peuvent être retenus.
 
Concernant le moyen tiré des actes de dénigrement, les juges apprécient le fait que « la réalité des risques entourant l’utilisation des additifs nitrés pour le consommateur peut être considérée comme avérée dans l’absolu, en l’état des connaissances actuelles de la science ». En outre, la Cour d’appel précise qu’il ne peut être contesté que les « questionnements relatifs à la sécurité des aliments et, en particulier, le débat sur les additifs nitrés dans les produits de charcuterie, est un sujet d’intérêt général qui touche à la santé publique ». Dans le cadre de son évaluation, l’application Yuka informe le consommateur sur les risques liés à la consommation de produits de charcuterie contenant des additifs nitrés. Pour ces motifs, « l’utilisation du terme ‘mauvais’ associé à la note de 0/100 ne relève pas du dénigrement ». En conséquence, la qualification de dénigrement n’a pu être retenue à l’égard de la société Yuca.
 
Ce faisant, la Cour d'appel de Limoges a considéré qu'il n'y a pas de pratique commerciale trompeuse, ni de pratique commerciale déloyale et qu’il n’y a pas non plus dénigrement. Elle a alors infirmé, dans sa totalité, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brive.
 
Une décision importante au regard de la liberté d’expression car elle réaffirme le droit, pour l’application Yuka, d’alerter les consommateurs sur un sujet d’intérêt général touchant à la santé publique, en l’espèce sur les dangers de la charcuterie contenant des nitrites ajoutés, en s’appuyant sur des données scientifiques sérieuses.
Source : Actualités du droit