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Contentieux de l'autorisation environnementale : précisions sur les pouvoirs du juge

Public - Environnement
Environnement & qualité - Environnement
20/03/2024
Le juge saisi d’une demande d’annulation d’une autorisation environnementale, lorsque les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, peut soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation, soit prononcer une annulation et en limiter les effets ou la portée si les vices n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase de la procédure d’instruction. C’est ce qu’a déclaré le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 8 mars 2024, précisant ainsi les pouvoirs du juge posés par l’article L. 181-18 du Code de l'environnement.
Dans cette affaire, les habitants d’une commune demandaient l’annulation d’un arrêté autorisant l’exploitation d’un parc éolien. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé l’arrêté et suspendu son exécution pour défaut de dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, jusqu’à la production de la dérogation. La Cour a également prononcé un sursis à statuer jusqu’à expiration d’un délai pour permettre à l’exploitant de lui notifier une mesure de régularisation du vice tiré de l’irrégularité de l’avis de l’Autorité environnementale.
 
Dans une décision du 8 mars 2024 (CE, 8 mars 2024, n° 463249, Lebon T.), le Conseil d’État vient préciser les pouvoirs du juge de l’autorisation environnementale, et affirme que ce dernier n’a pas la possibilité de prononcer à la fois une annulation et un sursis à statuer.
 
À l’occasion de la création de l’autorisation environnementale par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, un nouvel article L. 181-18 a été inséré dans le Code de l'environnement définissant les pouvoirs juridictionnels en matière de régularisation de la nouvelle autorisation environnementale. Deux alternatives s’offrent au juge, en fonction du vice affectant l’autorisation.
 
Article L. 181-18, I du Code de l’environnement
« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :
Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (…) ;
Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (…) ».

Il en résulte, pour la Haute juridiction, que le juge saisi d’une demande d’annulation d’une autorisation environnementale dispose de deux alternatives, lorsque les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés. Ainsi, il peut :
 
  • « soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative » ;
  • « soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction ».

En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait décidé simultanément :
 
  • « d'une part, d'annuler partiellement l'arrêté attaqué en tant qu'il ne comportait pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de suspendre son exécution jusqu'à l'octroi éventuel de cette dérogation » ;
  • « d'autre part, de surseoir à statuer sur le " surplus des conclusions de la requête " pour permettre à la société pétitionnaire de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation ».

Le Conseil déclare qu’en statuant ainsi, la Cour a commis une erreur de droit.
 
Le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion d’apporter des précisions sur l’application de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement et l’office du juge de plein contentieux de l’autorisation environnementale dans trois avis rendus en 2018 (CE, 22 mars 2018, n° 415852, Novissen, Lebon ; CE, 26 juill. 2018, n° 416831, Association « Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambresis » et a., Lebon ; CE, 27 sept. 2018, n° 420119, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et a., Lebon).
Sur le contentieux de l’autorisation environnementale, voir également La régularisation de l'autorisation environnementale par le juge administratif, où en est-on après cinq ans de pratique ? Bulletin du Droit de l'Environnement Industrie n° 99, 1er juin 2022.
Source : Actualités du droit